Article publié dans la revue « Passion d’architecture » de l’UNSFA en octobre 2024, ayant pour thème l’engagement des femmes dans le secteur de l’architecture.
Une invitation à entremêler franchement professionnel et citoyen
Quelle légitimité pour une femme, jeune (et pourtant blanche et de milieu privilégié), de donner son avis, de proposer autre chose que des méthodes constructives conventionnelles, de questionner le métier d’architecte, de défendre l’idée d’une architecture au service du bien commun plutôt que de la performance et de la finance ? Une place pourtant légitime qu’il est temps de prendre !
En créant la société Basa en janvier 2020, avec Vincent Peña ancien compagnon plaquiste et maitre d’œuvre, notre ambition était de tenter de rompre avec une vision élitiste de l’architecte seul expert de l’habiter… les grandes idées d’un début de parcours professionnel idéaliste et plein de bonne volonté ! Désabusé.es par les pratiques désolantes du secteur de l’humanitaire grâce auquel nous nous sommes rencontrés, nous avons rejeté la possibilité de poursuivre notre travail sur des projets subventionnés, en créant une société plutôt qu’une association (et nous l’espérons à terme une coopérative) qui participe à structurer son secteur de manière frontale.
Mais le chemin est long pour réussir à faire tenir debout une agence d’architecture tout en cherchant à privilégier des réponses écologiques et justes socialement. Si nos idées de départ continuent de m’animer, il serait faux de dire que nous approchons rapidement nos objectifs de qualité de vie au travail, de contribution aux filières constructives non-extractivistes et d’impact social. C’est un long travail pour lequel il me semble aujourd’hui essentiel de sortir des logiques de réseautage intra-professionnel pour aller tisser d’autres liens.
Alors depuis 5 ans nous poursuivons en parallèle nos engagements « associatifs » divers, qui servent toujours de manière réciproque ce que nous cherchons à défendre dans nos projets. Pour ma part, j’ai fait plusieurs détours :
Par le collectif de professionnel.les engagé.es, au sein duquel j’ai pu participer à la réalisation d’enquêtes sur les dynamiques collectives de projets frugaux qui continuent d’inspirer ma pratique quotidienne – La Frugalité heureuse et Créative ;
Par un groupe de parole de professionnelles du bâtiment, espace de soutien face aux violences patriarcales de notre secteur – Genres & Constructions ;
Par un collectif de militant.es artivistes avec lequel j’ai travaillé sur l’impact des JOP de Paris 2024, qui m’a ouvert les yeux sur les questions de nettoyage social, de gentrification, de liens entre sport, capitalisme et aménagement – Le Bruit qui Court ;
Par un réseau de personnes qui se mettent à disposition de luttes locales par des actions directes et de l’échange de compétence sur le terrain – Les Bâtisseur.euses des Terres ;




Tisser des liens entre les milieux militant et professionnel m’apporte à la fois un grand réconfort et ouvre les perspectives dans ma pratique, que ce soit dans la manière de réagir aux conflits ou dans l’accès à des solutions techniques non conventionnelle. J’ai également pu approfondir les questions d’intelligence collective et de gouvernance partagée qui influencent tous les aspects de mon travail et les relations que j’y noue : aussi bien en essayant d’instaurer des relations basées sur la coopération plutôt que sur les comptes à rendre, qu’en créant nos propres outils de conception et d’organisation. Même si cela ne porte pas toujours ses fruits, j’ai confiance dans les nouvelles habitudes que cela nous fait prendre et dans le tissu que cela fait grandir.
Cet entremêlement fertile entre activité professionnelle et citoyenne a renforcé pour moi l’idée qu’une des seules manières de faire advenir le projet de société auquel je crois est finalement de s’allier, aussi nombreux.ses que possible, pour peser. Ainsi je vous y invite : venez nouer de nouvelles alliances !